lundi 23 janvier 2017

Un été criminel

Comme promis, en version livre broché

https://www.amazon.fr/UN-%C3%89T%C3%89-CRIMINEL-Dominique-VIETTI-LETOILLE/dp/1520426194/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1485182079&sr=8-1&keywords=vietti-letoille

La couverture!




Un nouvel extrait :

"-C’est une fort belle maison, qui a été, m’a-t-elle affirmé, récemment restaurée.
-Les gens parlent, parlent… sans vraiment connaître la réalité.
-Ce n’est pas bien méchant, ce que m’a raconté cette enfant.
-Pourquoi raconter quand on ne sait pas ? Que vous a-t-on dit ?
Gabrielle est étonnée de l’agressivité du ton.
-On a dû vous raconter des histoires abracadabrantes concernant l’ancien propriétaire, un vieux cousin que j’ai dû voir une ou deux fois dans ma prime jeunesse.
-Simplement que c’était un gentil original, un peintre, qui a surtout résidé dans la maison à la fin de sa vie. Il y venait avec d’autres amis artistes. Ma petite amie était très fière de me dire qu’elle avait posé pour un tableau d’un de ces peintres qui le lui avait offert. J’en ai profité pour lui donner une petite leçon de géographie en lui expliquant où se trouvait Haïti, ce qu’elle semblait ignorer complètement.
-Il y a longtemps que nous ne sommes plus la perle des Antilles. On parle de nous depuis le séisme de 2010…pour nous plaindre. On s’est alors rendu compte que nous existions et parlions, enfin pour certains d’entre nous, français. Mes ancêtres sont venus de France il y a quelque deux ou trois siècles, mais nous continuons à nous sentir français par certains côtés. Nous nous sommes toujours attachés à parler français, nous avons entretenu des relations avec nos lointains cousins de métropole. Comme la loi nous y autorise, ma famille et moi avons la double nationalité. C’est d’ailleurs comme cela que nous nous retrouvons les héritiers de cette maison. Nous avons toujours fait des séjours, même brefs, en France, et une partie de nos études.
-Vous aussi ?
Il hésite et continue :
-J’ai fait ma spécialité de médecine à Paris. Mais il y a longtemps que je n’exerce plus. Nous ne  nous sommes pas mélangés, poursuit-il assez abruptement.
-Mélangés ? s’étonna Gabrielle.
-Nous sommes restés blancs, voyez-vous.
-Le métissage est une source d’enrichissement humain.
-Cela dépend.
La réponse, très sèche, fait comprendre à Gabrielle que c’est un sujet à ne pas aborder avec cet homme qu’elle ne connait pas et qui semble très arrêté dans ses convictions. Elle n’a nulle envie de polémiquer dès son arrivée. Il paraît très ancré dans ses convictions. 
-Vous étiez à Haïti lors du tremblement de terre qui a frappé l’île ?
-Oui, nous étions dans notre maison de Port-au-Prince. J’ai perdu ma femme. Notre demeure n’a pas été touchée, mais ma femme travaillait dans un hôpital qui s’est effondré. Elle a été ensevelie sous les décombres…avec les autres, enfin avec ceux qui ont disparu. Certains ont survécu, plus de chance, sans doute, pas toujours les meilleurs.
-Il n’y a pas de loi dans ces catastrophes, juste la fatalité, le hasard. Votre femme était médecin ?
-Elle était psychologue et travaillait dans un hôpital pour enfants. Elle voulait aider les plus défavorisés. Si elle s’était trouvée dans un bâtiment convenablement construit, cela ne serait pas arrivé.
-Les images ont montré que le palais présidentiel et la cathédrale se sont effondrés. Vous avez eu de la chance que votre maison supporte la secousse."

vendredi 20 janvier 2017

UN ÉTÉ CRIMINEL -Extrait-

Un extrait de

"UN ÉTÉ CRIMINEL"

disponible sur Amazon.fr en téléchargement pour tablettes et liseuses

Et depuis aujourd'hui, pour les irréductibles du papier, en livre broché!

Un thriller sur fond de Caraïbes, d'amour, de drames familiaux....

"Elle arrête la voiture devant un grand portail de fer forgé noir flanqué de deux piliers où aboutit un grand mur de pierres qui entoure le jardin, « Plus parc que jardin de curé », se dit-elle.
Elle ouvre la portière et s’avance vers le portail à la recherche d’une sonnette. Un système de vidéo semble avoir été récemment installé. Elle appuie sur le bouton et attend la réponse. Une voix grave lui répond :
-Vous êtes Gabrielle Tessière ? Félicitations ! Vous êtes à l’heure. Je vous ouvre.
Elle vient à peine de regagner sa voiture que les deux panneaux de fer forgé s’écartent lentement, sans bruit. Elle attendque l’espace ouvert soit suffisant pour le passage de la voiture et s’engage dans l’allée de terre bordée de grands arbres qui conduit vers la demeure. Vraisemblablement, une grande maison bourgeoise de la fin du XIXe siècle. De grandes portes vitrées ouvrent sur le jardin. Deux étages surmontent le rez-de- chaussée, troués de fenêtres à la française. Tout en conservant son cachet d’origine, la maison a été vraisemblablement restaurée récemment. Le parc est bien entretenu. Des balançoires, un toboggan et des jeux d’enfants ont été installés. On voit un peu plus loin une piscine, des chaises longues et deux parasols.
La porte d’entrée est ouverte. Elle descend de son véhicule, suivie par Ploume visiblement très intéressée par l’immense pelouse qui se déroule devant elle, au point d’oublier que Gabrielle l’a prudemment attachée et tire sur sa laisse. La venue de Ploume a été la condition sine qua non de son contrat. Chris de La Bruyère lui a répondu qu’ils avaient eux-mêmes un petitchien qui les accompagnait. Elle ne doutait pas qu’ils s’entendraient bien. Elle lui avait précisé qu’il s’agissait d’un petit caniche noir. En effet, une boule noire jaillit de la maison en jappant. Il s’arrête face à Ploume et se met à tourner autour de la petite épagneule. Le premier contact semble bon, puisque au bout de quelques minutes, les deux chiens sont en pleine partie de jeu sur la pelouse, après que Gabrielle, rassurée, a détaché sa chienne.
-Voilà deux vrais copains !
Gabrielle détourne les yeux des deux animaux et regarde vers la grande porte où se tient un homme d’une soixantaine d’années à la voix et au sourire accueillants. Assez grand, il a le teint bronzé des gens qui vivent au soleil ainsi que l’assurance de ceux que la vie a suffisamment pourvus pour qu’ils oublient la notion de doute. Il s’avance vers elle, découvrant un sourire carnassier mais sympathique, qu’adoucissent ses cheveux poivre et sel coupés courts et d’insondables yeux gris vert."
.......



jeudi 19 janvier 2017

EXTRAIT DE : "A LA CROISÉE DES CHEMINS"




I 1er AOUT 1990


Fatiha ouvre lentement les yeux. Elle est réveillée depuis quelque temps, mais garde les yeux fermés, savourant le silence de la maison et de la campagne autour, à peine troublé par de lointains appels d'ânes et des piaillements d'oiseaux. Aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres. Elle est toute excitée. Elle a eu beaucoup de mal à s'endormir la veille au soir. Son père arrive aujourd’hui. Elle ne l’a pas vu depuis plusieurs mois. Et encore, cette année, elle l'a vu deux fois. Il est venu cet hiver quand sa grand-mère, la mère de son père, a été malade et est décédée. Elle connaissait peu cette grand-mère paternelle, c'était une vieille femme qui parlait peu. Ce n'est pas comme son autre Dada qui lui raconte des histoires pleines de génies, de fées et de princesses, qui lui fait des gâteaux à la pâte d'amandes et des crêpes dégoulinantes de miel, même quand ce n'est pas jour de fête. C'est vrai qu'elle en a eu un peu honte, mais elle a été contente que son père vienne, même pour cette triste circonstance.

Aujourd’hui, c'est différent : son père vient comme tous les ans en été et va rester un mois au village. Il vient toujours à la même période, durant le mois d’août. Il lui a expliqué que c'est le mois de fermeture de l'usine où il travaille en France. Fatiha est très fière : son père fabrique des voitures, des voitures neuves, rutilantes, pas comme ces vieux taxis que l'on voit arriver poussifs, chargés de nombreux voyageurs, de leurs sacs, parfois même de leurs moutons. Non, son père lui a expliqué qu'il fabrique des voitures toutes neuves, de toutes les couleurs, des voitures que les gens achètent avec beaucoup d'argent. Peut-être même qu'une année, lui a-t-il dit, il pourra lui aussi acheter une voiture semblable, toute neuve, rouge espère-t-elle, presque neuve, a-t-il précisé. Arrivera-t-il dedans cette année, se demande-t-elle? Ou sera-t-il dans un des nombreux cars qui arrivent d’Europe chargés de ces travailleurs qui reviennent l'été au pays? Elle ne sait pas, sa mère lui a simplement dit qu'il arrive aujourd’hui. Mais sa mère n’en sait pas plus. Sa mère ne sait ni lire ni écrire et, quand une lettre arrive de France, envoyée par son père qui se contente de signer ce qu'un autre plus savant a écrit, elle se précipite chez l'instituteur du village qui la lui lit. Depuis cette année, Fatiha réussit à lire un peu ces lettres écrites en français car elle apprend le français à l'école. Elle commence à le déchiffrer et à le comprendre pour la plus grande fierté de sa mère et même de son père à qui elle a écrit le mois dernier sa première lettre : sa mère a pu se passer de l'instituteur et la lui a dictée.

Elle entend sa mère qui se lève, ses bracelets cliquettent au rythme de ses mouvements. Depuis son enfance, elle entend cet agréable tintement qui la berçait quand elle était enfant ou au contraire qui la réveillait . Depuis que son père est parti travailler en France, sa mère a encore plus de bracelets et de bijoux car il lui en offre chaque été. L'été dernier, pour la plus grande fierté de Fatiha, son père a offert à sa mère une ceinture en or qu'il n'avait pas pu acheter quand ils se sont mariés. Sa mère la porte sur son beau caftan doré et coloré quand il y a des fêtes, des mariages surtout, où chaque femme expose fièrement ses bijoux, symboles d'une réussite souvent synonyme du départ du mari, voire du fils à l'étranger.
Fatiha a toujours une crainte secrète, que son père reparte avec son frère à la fin de l'été. Saïd a deux ans de plus qu'elle, donc presque 12 ans. Contrairement à ses parents et à sa grand-mère, elle connait bien son âge et celui de son frère car le village a depuis quelques années un état-civil bien établi. Leur maître leur en a expliqué le fonctionnement et, le jour du souk, du marché, un fonctionnaire vient de la ville. Il s'installe dans une petite pièce de l'école que le maître surnomme pompeusement son bureau, en fait un espèce de débarras où sont déposés les livres de l'école, les cahiers et les quelques fournitures que l'école possède. Le maître y a installé une table, deux chaises et, sur le mur, une carte du Maroc et une photo représentant un château magnifique, le château de Versailles, leur a-t-il dit, qui appartenait, a-t-il ajouté, au roi Soleil, un très grand roi de France. Fatiha l'imagine éblouissant dans un habit brodé d'or et de pierres précieuses, puisqu'on l'appelle le roi Soleil. Un des élèves a même demandé:
-Il était plus grand que notre roi?
Le maître a été bien embarrassé et a répondu que c'est différent parce que les deux rois n'ont vécu ni à la même époque ni dans le même pays. Un des élèves a alors ajouté:
-Il fallait mettre des lunettes de soleil pour le regarder?

 Cela a fait rire tout le monde mais le maître a répondu qu'on ne regarde pas un roi dans les yeux et qu'on se courbe ou se prosterne devant lui. Sa réponse a coupé court à tout autre remarque. Cela est vrai! Tout le monde a vu, pour les plus riches sur leur propre téléviseur, pour les autres à la télévision qui se trouve au café du village, que devant le roi, on se prosterne et on baise la main du souverain, qui la retire bien vite. Donc, encore une fois, le maître a raison et connaît beaucoup de choses, a conclu la petite fille.



dimanche 15 janvier 2017




PROMENADE



Elle s’engage dans la petite rue pavée qui semble descendre vers une église dont les cloches qui dominent la ville l’ont réveillée tôt ce matin.
Elle avait pourtant envie de faire la grasse matinée aujourd’hui. Arrivée tard à l’hôtel hier soir après s’être perdue plusieurs fois malgré son GPS qui a fini par lui annoncer qu’elle se trouvait dans une zone non couverte, et oui, il en existe encore, même en Espagne, elle n’a pas dîné car le restaurant était fermé et a du se contenter de grignoter les quelques biscuits qui traînaient dans la voiture avec un thé proposé dans la chambre.
Elle a à peine pris le temps de se couler rapidement sous la douche, qu’elle aurait souhaitée plus chaude, il faudrait qu’elle en parle à la réception, et s’est enfoncée dans le lit moelleux. En ce début d’automne plutôt clément, l’édredon est bienvenu. Après avoir tenté, plus par habitude que par envie, de continuer la lecture du livre qu’elle a commencé la veille, elle l’abandonne bien vite, le dépose au sol près de son lit et s’endort, serrant comme d’habitude, l’oreiller entre ses bras.
Son sommeil est bienfaisant, l’hôtel choisi sur catalogue correspond à la promesse de tranquillité et de calme annoncés.
Le vieil édifice donne sur une ruelle en pente relativement douce qu’elle parcourt en faisant attention à ne pas se tordre les chevilles sur les pavés inégaux qui la recouvrent. L’estomac calé par un solide petit déjeuner compensant le dîner raté, elle se sent en pleine forme. Le ciel a ce bleu léger des matins d’automne, les nuages sont rares, l’air est doux. Cette ruelle qui descend vers elle ne sait quelle découverte l’enchante. Elle s’est refusée à consulter un plan de la vieille ville, décidée à se fier à son instinct pour la visiter et rassurée par l’aspect de la cité dont la taille mesurée doit permettre une orientation aisée.
Elle se sent des ailes, heureuse de ces quelques jours de vacances seule et décidés au dernier moment. Il y a une semaine, elle ignorait jusqu’au nom de la ville qu’elle a découverte sur internet, justement à partir d ‘une photographie de cette ruelle qu’elle emprunte ce matin. Elle rêvait depuis quelques minutes devant cette image quand son compagnon s’était approché et l’avait rejointe dans son observation.
-Qu’est-ce que c’est?
-Je ne sais pas, a-t-elle répondu.
-Cela fait plusieurs minutes que tu es bloquée devant l’écran. Cela ne te ressemble pas! Tu rêves?
Peut-être bien! Il cliqua sur la légende au bas de l’écran. Un lien les mena directement sur un site intitulé « Vacances particulières » où il retrouva rapidement la photographie qu’elle contemplait. L’annonce présentait un « hôtel de charme », dans le vieux centre tranquille d’une petite cité du sud de l’Espagne. En cette période plutôt hors saison, les prix étaient très attractifs. Seul hic: il fallait s’y rendre par ses propres moyens et il était conseillé d’avoir un véhicule pour se déplacer. Son compagnon l’encouragea à réserver.
-Tu as besoin de te reposer. On n’a pas pris de vacances cette année avec la création de la boîte. On ne peut pas s’absenter tous les deux en même temps en ce moment. Prends donc une dizaine de jours. J’aurai moins de scrupules à partir au ski cet hiver!
Cet argument, surtout qu’elle n’appréciait pas les sports d’hiver, suffit à la convaincre. En un clic, elle réserva, choisissant la semaine suivante comme dates de séjour, en un deuxième clic, elle paya, toujours fascinée, mais également effrayée par la facilité d’achat sur internet, et imprima sa réservation avec l’adresse précise de l’hôtel qu’elle rechercha sur Google Map qui, dans la foulée, lui calcula la distance depuis son domicile: 1458 km, et lui indiqua l’aéroport et la gare les plus proches. Après réflexion, elle décide d’y aller en voiture, après tout, sa voiture est récente et confortable, elle prévoira une étape.
Une fois ces formalités rapides terminées, elle retourne sur l’image qui l’attire.
-C’est étrange. J’ai l’impression de connaître cet endroit.
Très rationnel, son compagnon lui rappelle qu’elle a, dans son enfance, souvent passé ses vacances dans le sud de l’Espagne avec ses parents. Il ajoute:
-Toutes ces petites villes traditionnelles se ressemblent, des petites maisons blanches ou colorées, des grillages aux fenêtres, des ruelles pavées qui montent ou qui descendent suivant le sens où tu les empruntes, des tours d’églises égrenant le temps qui passe…Il n’y a là rien de très original! Il est possible que tu aies déjà visité cette région. Appelle tes parents pour le savoir. Ton père a une mémoire phénoménale des lieux que vous avez fréquentés.
-Non, laisse tomber. On a souvent une impression de déjà vu ou de déjà vécu. J’aviserai sur place.
Maintenant, elle y est, à se balader dans cette ruelle qui semble n’en plus finir de descendre.
Il n’y a personne, pas de bruit, juste un léger sifflement que l’air semble diffuser comme une mélopée.
Un chat surgit à sa gauche. Il semble être sorti du mur. Il traverse la chaussée majestueusement, lentement, brandissant sa queue telle un panache blanc. Il s’assoit, la regarde de ses étranges yeux vairons, penche un peu la tête de côté. Il va se mettre à parler! Puis il se décide à continuer son chemin, sans se presser et entre dans une vieille porte de bois fermée, oui dans la porte, et disparaît. Elle se dit « Il doit y avoir une chatière que je n’ai pas vue », puis réfléchit : « Une chatière dans une porte quasi médiévale? Tu délires, ma vieille! »
Enfin, plus de chat!
Elle continue son chemin, plus décidée que jamais à rejoindre l’église dont le haut clocher semble la narguer et lui donne l’impression de s’éloigner alors qu’elle devrait s’en rapprocher. Plus elle marche, accélérant le pas, plus l’église paraît s’éloigner.
Un mouvement derrière une fenêtre, un rideau qui bouge, un visage masqué d’un loup noir et argent la fixe puis laisse tomber le voilage.
Bizarre ! On est au mois d’octobre, ce n’est pas la période de carnaval.
Et toujours personne dans la rue. Un bruit lui fait lever la tête. Une cage remplie d’oiseaux qui n’était pas là il y a quelques instants. Le bruissement de leurs ailes colorées s’accompagne de légers piaillements, comme assourdis. Puis la cage disparaît, comme happée par la fenêtre à laquelle elle est accrochée.
Etrange ballade! Et cette église qui s’éloigne toujours! Quelle heure est-il? Elle regarde machinalement son poignet. Elle a oublié sa montre. L’horloge du clocher a ses deux aiguilles bloquées sur le chiffre 6. 66, ce n’est pas un bon nombre, porte-malheur, semble-t-elle se souvenir. Mais non, c’est 666, on le lui a souvent répété, à elle qui est née le 6 juin 1966. Des fadaises de bonnes femmes qu’elle s’est toujours refusée à croire. Mais que lui arrive-t-il donc dans cette rue de ce village inconnu?
Elle marche, elle marche, depuis des heures lui semble-t-il, incapable de comptabiliser un temps qui lui paraît interminable.
Brutalement, elle se retrouve sur une petite place, éclatante de lumière où quelques arbres aussi majestueux qu’anciens distribuent généreusement leur ombre. Des fleurs de couleurs vives dont elle ne reconnaît pas les formes étranges, forment une allée qui la mène vers l’église qu’elle recherche depuis le début de sa promenade. Une grande porte sombre en interdit l’accès. Aucune inscription sur les éventuelles heures d’ouverture et de visites. Elle fait le tour du bâtiment d’un blanc éclatant, orné de boiseries et de balcons dorés. Elle se retrouve à nouveau devant la grande porte quand celle-ci s’ouvre silencieusement. Elle hésite et pénètre doucement, pas très rassurée. Une ombre se tient dans la porte. Vêtue d’une grande bure, le visage caché par une capuche, la silhouette déploie lentement son bras pour lui faire signe d’entrer. Sa main fine et blanche dépasse de la large manche de sa robe de moine. Que risque-t-elle? Dans une église! Avec un religieux! Elle entre prudemment cependant et sursaute quand le lourd portail se referme bruyamment. Elle se sent piégée dans cette obscurité que seules quelques flammes de bougies vacillantes éclairent dans le fond de la nef. Elle avance lentement, autant pour se diriger vers ces petites sources de lumière que pour s’éloigner du personnage inquiétant qui la suit silencieusement. Elle réfléchit vite. Qu’a-t-elle pour se défendre dans son sac? Une petite lampe de poche qui peut lui servir pour assommer l’étrange moine! Un petit vaporisateur de parfum pour l’aveugler! Tant pis si elle gâche son Coco de Chanel… Et puis, pas grand-chose d’autre qui puisse la sauver. Sans parler du fait qu’elle n’est pas sûre de trouver rapidement ces objets dans le capharnaüm de sa besace.
Musique! Le concerto d’Aranjuez! Son portable!
Le moine s’approche et lui passe son bras sur l’épaule, sa main fraîche lui caresse le cou. Il va l’étrangler, c’est sûr! Elle va mourir là, dans ce village perdu, dans cette église inconnue, assassinée par un curé qu’elle ne connaît pas…
-Chérie, tu t’es endormie devant ton écran!
Elle ouvre les yeux péniblement, la tête lourde reposant dans ses avant-bras endormis, assise à son bureau face à son ordinateur. Elle se sent comme épuisée après un long voyage. Sans y penser, automatiquement, elle clique sur la souris et voit s’afficher sur l’écran la rue pavée qui descend vers l’église, le clocher, les façades de couleurs, avec une petite silhouette de dos qui semble marcher. Son compagnon déchiffre les quelques lignes sous l’image.
-Regarde, c’est la photo d’un village qui a disparu il y a quelques années, englouti par les eaux d’un barrage. Il y a la date, le 6 juin 1966. C’est une coïncidence étrange, c’est le jour de ta naissance.
Il penche un peu la tête tout en s’éloignant de l’écran.
-Tu sais que la jeune femme te ressemble, C’est la même silhouette, la même allure. Ça n’a pas l’air d’aller, ma puce. Tu as l’air perturbée. Tu as du faire un mauvais rêve. On a besoin de vacances. Je sais que tu aimes le soleil. Ça te dit l’Espagne ou l’Italie?
Parfaitement réveillée maintenant, elle lui répond fermement:
-Non, une île des Caraïbes ou de l’Océan Indien, je préfère les plages de sable blanc et les palmiers, tout compte fait!



dimanche 8 janvier 2017

LE SYMBOLE PERDU DE Dan BROWN

Dan BROWN, Le Symbole Perdu.

Un  "pavé" de 595 pages écrit en de 2009 du fameux auteur de Da Vinci Code, 


On y retrouve le célèbre, séduisant et cultivé professeur Robert Langdon, un puits de sciences et un homme d'action!

Comme dans les dissertations de philo de ma jeunesse, je vais essayer de suivre le plan classique de thèse, antithèse, synthèse afin de vous présenter ce gros ouvrage que j'ai mis de nombreux jours à lire.

Notre beau professeur est appelé à Washington par son ami et mentor, Peter Solomon, un richissime homme d'affaires, collectionneur et surtout un gradé important des Francs-Maçons qui, nous semble-t-il, essaie de convaincre depuis des années Langdon d'adhérer à ses convictions.

La description du système maçonnique nous est présenté de façon détaillée et nous nous y perdons un peu quand on y ajoute les différentes écoles, les hermétistes, les rosicruciens ...

L'histoire se déroule entièrement à Washington qui nous est présentée magistralement, je l'avoue, bien mieux que le Guide que j'ai utilisé récemment lors de mon séjour dans la capitale des États-Unis. Je crois que lors de mon prochain voyage, je prendrai le livre de Dan Brown comme guide...même si j'ai des doutes quant à l'accès possible de tous les monuments et lieux qu'il parcourt quand on pense qu'on ne peut s'approcher de quasiment aucun bâtiment gouvernemental sans autorisation. Pour la Maison Blanche, par exemple, il faut demander la permission quelques mois à l'avance! Et l'accord n'est pas garanti...
Je ne pensais cependant pas que Washington était une ville aussi pleine de mystères!

Si le rythme des aventures de Langdon est toujours aussi soutenu (quand se repose-t-il, cet éminent professeur?), je me suis parfois un peu perdue dans la complexité des lieux, des personnages et surtout des explications à tendance ésotérique de nombreux phénomènes. Les passionnés de codage trouveront certainement leur bonheur, le lecteur ordinaire risque d'avoir un peu plus de difficultés.

Comme souvent dans les livres de Dan Brown, le livre est une mine de renseignements historiques, géographiques, une documentation précieuse et précise. C'est peut-être le principal reproche que j'adresserai au livre car, si j'y ai appris énormément de choses sur l'histoire de la formation des États-Unis, les Pères Fondateurs, la Franc-Maçonnerie, la profusion de renseignements est parfois telle j'ai parfois eu un peu de mal à suivre les aventures du fringant professeur.

L'aspect ésotérique et presque mystique est "surprenant", bien plus marqué, me semble-t-il, que dans les autres ouvrages. Parfois affirmée comme une vérité première, la philosophie franc-maçonne qui est omniprésente dans le livre m'a quelquefois gênée, bien que Langdon affiche toujours son scepticisme scientifique et sa logique.

Un peu difficile aussi d'accepter que les principaux hommes politiques et dirigeants américains (et ailleurs) appartiennent à la confrérie des Francs-Maçons (je me pose la question pour Barack Obama?) sans s'interroger sur une certaine forme de monopole des pouvoirs! Alors qu'il dit ne pas être partisan de cette théorie, l'auteur nous laisse une impression désagréable de domination franc-maçonnique du monde,  au moins spirituelle, même si le but en est le bonheur de l'homme et son élévation dans la connaissance. Fait-on le bonheur de l'homme sans l'intégrer à sa construction?

Un petit goût amer, un certain malaise au bout de ce roman qui reste intéressant, mais avec lequel une certaine prise de distance est nécessaire, me semble-t-il, en dépit de la superbe ballade dans Washington.