dimanche 9 mai 2010

Ces enfants qu'on aime trop

CES ENFANTS QU'ON AIME TROP

L'HISTOIRE DE ROSE ... et des autres



C'était il y a très longtemps . Il était une fois une jeune enfant qui répondait au doux nom de Rose . Il lui avait été donné pour la douceur et le velouté de sa peau. Elle avait les joues arrondies de l'enfance et des yeux où l'innocence se voilait parfois d'une certaine tristesse .
Rose avait tout pour être heureuse . Elle vivait dans un beau palais entouré d'un parc splendide où les parfums des fleurs le disputaient à l'harmonie de leurs couleurs . Des allées qui parcouraient ce grand parc étaient jalonnées de statues d'enfants ou de très jeunes adolescents , des fillettes , des garçons qu'on appelait , cela , Rose l'avait appris , des éphèbes . Ils étaient peu habillés et , comme cela avait surpris l'enfant , on lui avait expliqué que tous étaient des dieux et des déesses de l'Antiquité que les Anciens imaginaient beaux et vivant à peine vêtus dans un pays paradisiaque .
On ne croyait évidemment plus à tout cela et Rose , à qui on enseignait la croyance en un seul dieu et toutes les obligations qui accompagnaient la foi monothéiste , demanda pourquoi on avait installé dans le jardin toutes ces fausses divinités auxquelles il ne fallait plus croire . On lui répondit que ces représentations étaient des oeuvres d'art qui plaisaient au maître . On ne mettait pas en doute la parole du maître .
Cet immense jardin était ceint par un rempart dont l'une des murailles ouvrait sur un précipice profond qu'il était interdit d'approcher . Il y avait tellement de belles choses par ailleurs que Rose ne s'en souciait guère .
La petite fille n'avait pas toujours vécu dans ce jardin paradisiaque . Elle avait des souvenirs d'une vie dans une campagne très différente , de champs , de forêts , de bétail , avec une petite maison qui n'avait rien à voir avec son palais actuel . Il lui revenait des chants qui parlaient de bergères et de pluies , de dodo et de câlins. Ces mots étaient étrangers pour elle maintenant . Elle se souvenait surtout d'un grand bateau dans lequel elle était montée avec de très nombreuses personnes . Elle serrait contre elle une petite poupée de chiffon et donnait la main à un garçon plus âgé qu'elle . Devant eux , deux adultes leur ouvraient le chemin , un homme et une femme qui se retournaient souvent pour être sûrs de ne pas les perdre dans la foule et le dédale du bateau . La femme souriait d'un air doux et leur murmurait des encouragements . L'homme , quand il se tournait vers eux , leur disait (elle se souvenait de ces mots même si elle en avait oublié le sens) :
- On aura une vie meilleure , les enfants .
La mer , bleue , puis grise , un autre bateau , plusieurs autres bateaux , des cris , des pleurs , serrer sa poupée , très fort , ne pas la perdre , le jeune garçon qui l'accompagne qui la pousse dans un grand trou noir où elle attend , elle attend , jusqu'à ce qu'on la découvre , recroquevillée , tremblante , qui pleurait avec toujours sa poupée dans les bras .
Des bras forts qui l'extirpent , qui rient , la montrent et la voilà installée sur un autre bateau pour un nouveau voyage . Ses souvenirs sont hésitants . C'est Mimouna qui lui a raconté la suite de l'histoire . Mimouna , c'est sa dada , sa mama , son refuge , sa tendresse , c'est sa Mimouna .
-On t'a ramené ici tremblant comme un chaton mouillé. Tu n'étais pas plus lourde d'ailleurs . Tu avais déjà tes beaux cheveux bouclés , ta peau laiteuse et douce et tes grands yeux noirs . C'est pour cela que le maître t'avait achetée , assez cher , parait-il . D'autres te voulaient . Tu aurais pu plus mal tomber...peut-être . On t'a confiée à moi . Tu n'es pas la première ...et tu ne seras pas la dernière .
-Tu resteras toujours avec moi , Mimouna . C'est promis .
-Oui , tant que le maître voudra .
-Le maître est gentil . Il me donne tout ce que je veux . Je lui dirai que je te veux avec moi jusqu'à ce que je meurs .
-Ne parle pas de malheur .
Mimouna fit un signe secret de la main pour conjurer le mauvais sort . Elle croyait à la magie . Elle aimait Rose qu'elle aurait souhaité préserver , mais elle se sentait bien impuissante .
Rose avait un ami . C'était un des rares garçons à vivre dans le palais . Il lui faisait penser à ce garçon dont elle tenait la main sur le bateau , il y a longtemps .
Gabriel était plus âgé qu'elle . Grand , il restait mince , presque menu . Sa barbe ne semblait pas vouloir pousser et sa voix restait fine . Ce n'était pas comme les voix tonitruantes du maître et des hommes qui l'entouraient . Il expliqua à Rose que c'était pour cela qu'il pouvait rester à côté d'elle . Rose ne comprit pas , elle préférait la douceur et la gentillesse de Gabriel à la grossièreté et la brutalité de certains compagnons du maître .
La vie s'écoulait paisiblement et le maître avait de très nombreuses attentions pour Rose . Il venait la voir fréquemment , la faisait tournoyer devant lui :
-Tu deviens grande et belle .
-Elle est encore enfant , répondait Mimouna .
-Préviens-moi quand elle sera vraiment grande . Que désires-tu , ma Rose ?
Rose qui gardait toujours sa vieille poupée de chiffons était également une enfant qui avait des envies de fillette. À sa demande , il lui offrit un couple d'oiseaux bleus et jaunes dont les mélodies ravissaient Rose qui invitait Gabriel et Mimouna à se joindre à elle pour le concert qu'ils donnaient tous les soirs quand le soleil disparaissait derrière l'horizon , comme s'ils le saluaient .
Il la couvrit de robes de princesse , de bijoux bien trop lourds et imposants pour elle .
-Tu les porteras un jour pour moi , lui disait-il .
Des professeurs lui apprenaient à chanter , à danser , à lire .
-Il faut que tu te prépares pour notre maître . Il aime les filles intelligentes qui savent le distraire .
Mimouna hochait la tête et faisait des reproches étranges à Rose :
-Tu apprends trop vite et trop bien .
-Mimouna , c'est pour faire plaisir au Maître . Il est si gentil .
Un jour , le maître envoya toute une panoplie de robes et de voiles , il demanda à ce qu'on sorte les bijoux qu'il avait offerts à Rose . Aidée par deux autres femmes , Mimouna habilla la fillette , la para de ses plus beaux bijoux , mêla des perles à ses boucles brunes , rougit sa bouche , rosit ses joues et noircit ses paupières . Elle pleurait . Quand l'enfant fut prête , elle la confia aux deux femmes et l'embrassa en lui murmurant :
-Pauvre Rose , à peine éclose . Sois courageuse .
Rose revint le lendemain . Les perles s'étaient échappées de sa chevelure , les robes de voile étaient déchirées , le rouge et le noir avaient coulé sur son visage d'enfant en se mélangeant aux larmes . Elle ne dit rien , se laissa baigner par les mains douces de Mimouna qui la lava en lui murmurant :
-ça va aller , ma Rose . Pleure , si tu veux , le plus dur est fait .Je n'ai pas pu te protéger . Je sais ce que c'est .
Rose serra un peu plus fort encore sa poupée et appela Gabriel qui l'accompagna pour une longue promenade . Quand elle revint au palais , elle voulut se reposer en écoutant le chant de ses oiseaux mais n'en eut pas la possibilité car le maître la demandait .
Elle supporta une nouvelle fois sans mot dire la longue préparation et suivit les femmes sans un regard pour Mimouna .
Les jours se suivaient . Les promenades en compagnie de Gabriel se faisaient de plus en plus longues et leurs pas les dirigeaient de plus en plus près de la muraille au ravin . Le maître la couvrait de cadeaux et la demandait presque tous les soirs .
Un après-midi , Rose partit avec la cage des oiseaux . Arrivée près de la muraille , elle ouvrit la cage et les regarda s'envoler .
-Profitez de votre liberté .
Elle avait les larmes aux yeux .
Les mois passèrent . Un matin , deux hommes appelèrent Mimouna qui revint avec une fillette aux cheveux d'or qui paraissait terrorisée .
-Qui est-ce ?
-Le maître l'appelle Blanche . Je dois m'en occuper , comme pour toi .
Elle l'installa dans une chambre contigüe à celle de Rose que le maître continuait à appeler tous les soirs . Face à la douce affection de Mimouna , de Rose et de Gabriel , Blanche se détendit . Bientôt , on les entendit rire , courir . Rose l'entraînait dans ses promenades .
Un jour , un coursier apporta une cage avec deux magnifiques oiseaux au plumage vert et rouge . Blanche applaudit en sautillant joyeusement .
-Je les avais demandés au maître . Ils sont beaux .
Rose regarda Mimouna et Gabriel qui baissèrent les yeux .
-Non , pas elle aussi .
L'après-midi , elle proposa à Blanche une promenade dans le parc . Sans mot dire , Mimouna et Gabriel les accompagnèrent .
Blanche riait , gambadait , humait une fleur , donnait la main à l'un ou à l'autre.
-Où va-t-on ?
-Près de la muraille au ravin .
-Je croyais que le maître l'interdisait .
-On veut lui faire une surprise . Il y a là de magnifiques fleurs et de très beaux oiseaux .
Ils arrivèrent face au rempart et le gravirent sans difficulté car il y avait un escalier qui accédait au chemin de ronde .
-N'aie pas peur , donne-nous la main .
Ils se postèrent sur la muraille . En bas , coulait une rivière entourée de lauriers-roses en fleurs . Au loin , la silhouette d'une montagne au sommet enneigé donnait au paysage une majesté que couronnait un flamboyant arc en ciel .
-Sais-tu , Blanche , qu'au pied de l'arc en ciel , il y a un fabuleux trésor .
-On va le chercher .
-Oui , Blanche , on va y aller tous ensemble . Donnons-nous la main . Ferme les yeux . Respire fort , pense à quelque chose d'agréable . On y va .
Un pas en avant et la fillette suivit en toute confiance ses trois amis .
-La fin de l'enfer et la Liberté , furent les dernières paroles hurlées comme un défi par Rose .
Depuis ce jour , on voit au dessus de la vallée tournoyer quatre oiseaux qui virevoltent , descendent jusqu'à la rivière , cueillent une fleur , semblent poursuivre l'arc en ciel . Mais jamais ils ne franchissent la muraille et n'entrent dans la parc , toujours aussi fleuri de Roses.

Cette histoire s'est déroulée il y a très, très longtemps . Il n'y a plus de maîtres, de parcs et de murailles , évidemment ,de nos jours . .
Il n'y a plus que des riches , des euros et des dollars et des pauvres qui parfois croient gagner au loto ...
Merci de ne pas citer Voltaire ou Louis XV qui aimaient les très jeunes filles . J'affirme qu'il y a des ASSASSINS D'ENFANCE (non,ce n'est pas une faute de frappe,des assassins d'ENFANCE) intelligents et que rien n'excuse l'indifférence , l'irresponsabilité et la bêtise des autres .
J'aimerais cependant dire à ces messieurs si gentils avec les enfants qu'un jour , peut-être , Rose ,ce sera leur fille ou leur petite-fille ...

Toute ressemblance avec des situations et des faits existant ne serait que pur hasard et fortuite .